Arrière-pays

Derrière ce titre à la fois singulier et pluriel se dessinent le ou les paysages dont nous rêvons parfois, dont nous nous souvenons sûrement et dont nous sommes aussi les égarés. Il y a ainsi des paysages qui sont encore en devenir dans notre imagination, il y a ceux qui nous ont imprégnés par leur beauté ou par leur présence et enfin ceux où l’on aurait pu s’arrêter mais qu’il nous a fallu oublier. Le Jardin d’Eden en serait un exemple, tout à la fois imaginaire, culturel et à jamais perdu.

Cet arrière-pays ou ces arrière-pays sont en peinture ce qui permet de faire circuler le regard du spectateur vers l’arrière-plan et de le retenir le temps de son face à face avec le tableau, comme un écho à la marche réelle dans un paysage. Si chez Léonard de Vinci se révèle avec force cette tentation du paysage conducteur renforcée par le principe du « bleu » de l’atmosphère et son célèbre « sfumato », elle apparaît aussi chez Joachim Patinir dont les paysages bruissant de bleus et de bleutés s’étendent à perte de vue et nous amènent bien plus loin que nous n’osons en général nous aventurer lorsque nous regardons un tableau. Je citerais encore Claude Lorrain et bien entendu Turner parmi les peintres qui ont converti mon regard depuis longtemps, je ne me lasserai jamais en effet d’observer leurs paysages pour y déceler le mystère de l’espace peint ou dessiné. Enfin, c’est à Degas que je souhaiterais rendre hommage, lui qui a montré dans ses monotypes la voie d’un paysage toujours nouveau à découvrir au détour d’un chemin et de ses accidents.

Ainsi, avec la peinture, le paysage se crée et dessine l’espace de la toile. Cette alchimie entre ce qui m’est connu, ce qui surgit de ma mémoire ou de mes promenades quotidiennes et ce que je vais voir apparaître me fascine. L’inattendu et l’instantané dans le lointain, dans l’arrière-plan ou dans d’infimes détails sont les sources de mon expression picturale.